Sevin, François (1729)

Relation abrégée d'un Voyage Littéraire que M. L'Abbée Sevin a fait
Date inventaire : 
1729

1729

Né à Villeneuve-le-Roi en 1662, l’abbé François Sevin est admis en 1711 comme élève, puis, en 1726, comme membre pensionnaire de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres.

De 1727 à 1730 il est envoyé en mission dans l’Empire ottoman avec l’abbé Michel Fourmont, à l'instigation du le comte de Maurepas, ministre de Louis XV. Selon les instructions qui leur sont données, les deux hommes, qui arrivent à Constantinople le 4 décembre 1728, devront tâcher d’entrer dans la Bibliothèque du Sultan et prendre note des manuscrits qui y seraient restés de l’ancienne bibliothèque des Empereurs byzantins ; d’autre part, ils sont chargés, sous l’autorité du marquis de Villeneuve, ambassadeur de France auprès de la Porte, de rechercher des manuscrits et des imprimés mais aussi des médailles et des inscriptions, qui se trouveraient dans le Levant et dont l’acquisition serait avantageuse pour la Bibliothèque du Roi. Tandis que Fourmont quitte la capitale en février 1729 pour se rendre dans les îles et le continent grecs, Sevin, resté à Constantinople, s’emploie à la collecte de manuscrits. Il y achète au cours de ce séjour près de 125 manuscrits grecs et près de 400 orientaux (arméniens, turcs, arabes et persans) pour la Bibliothèque du Roi. Sans attendre le retour de Fourmont à Constantinople, Sevin quitte la capitale le 24 avril 1730 pour rentrer en France.

Devenu collaborateur de l’abbé Louis de Targny, garde des manuscrits de la Bibliothèque du Roi, il lui succède en 1737. Il meurt à Paris en septembre 1741.

Sevin publia les deux premiers volumes du Catalogue des manuscrits orientaux et grecs de la Bibliothèque du Roi.

Texte français:

(1) Récit de F. Sevin et M. Fourmont: F. Sevin et M. Fourmont, « Relation abrégée d’un voyage littéraire fait dans le Levant par les ordres du roi, dans les années 1729 et 1730 », Histoire de l’Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, t. 7, Paris, 1733, p. 339-340. [voir aussi : Lettres sur Constantinople de M. l’Abbé Sevin, de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, écrites pendant son séjour dans cette ville, au Comte de Caylus, Paris, 1802, p. 31-38].

Ce ne fut pas le seul fruit de ses liaisons avec le Patriarche de Jérusalem, les Grecs dans la suite furent plus traitables et plus dociles ; il [M. l'Abbé Sevin] visita tranquillement les monastères qui sont aux environs de Constantinople et les supérieurs ne lui firent pas la moindre difficulté. Il eut le bonheur de déterres dans ces couvents quelques morceaux de St. Chrysostome qui n’ont point été publiés. Ses courses lui produisirent encore les Discours de ce père contre les Juifs : les manuscrits en sont extrêmement rares, ainsi que ceux de Théodoret, quand ils ont une certaine antiquité : il lui en est tombé entre les mains cinq gros volumes tous très anciens.

Ce fut dans les mêmes endroits qu’il trouva le Roman de Josaphat et un Commentaire sur St. Luc, qu’il croit de Titus évêque de Bostres ; l’un et l’autre paroissent être du dixième siècle. Le premier est chargé de miniatures, la pluspart très bien conservées. La récolte auroit sans doute esté plus abondante si les Grecs n’estoient pas livrez aujourd’huy à l’ignorance la plus grossiére ; leurs manuscrits sont enfermez d’ordinaire dans une chambre très mal propre et c’est la chambre du couvent la moins fréquentée, personne ne s’avise de les lire et ils sont en proye aux insectes et à la pourriture.

Dans un monastère de l’Isle des Princes, on luy fit voir près de deux cens manuscrits et parmi ce grand nombre de volumes il ne luy fut pas possible de rassembler trente feuilles qui fussent entiéres.

Un jour qu’il se plaignoit amérement au Patriarche de Jérusalem de cette négligence de ses nation, il luy raconta le fait que voicy : « Lorsque j’allois prendre possession de mon siége, luy dit-il, le hazard me conduisit dans un monastère où je fis la découverte d’une chambre emplie de manuscrits : mes affaires ne me permettant pas de les transporter alors, je remis la partie à une autrefois. Quelque temps après, je revins dans la même maison mais les manuscrits estoient disparus. Je les demanday au supérieur, il me répondit naïvement que depuis peu ils avoient reçû un novice et que faute de chambre ils avoient jetté dans la riviére, qui couloit au pied du couvent, de vieux parchemins absolument inutiles à la communauté. »

Il est aisé de juger par ce récit combien il seroit important d’enlever le peu de manuscrits qui restent dans le Levant. L’exécution d’un semblable projet ne laissoit pas d’avoir ses difficultez. Le point essentiel estoit d’establir de bonnes correspondances. M. L’Abbé Sevin en conféra avec M. L’Ambassadeur qui, jaloux de la gloire du nom François, a toûjours pris extrêmement à cœur le succès de ce voyage. Il écrivit sur le champ à ceux de nos consuls et de nos missionnaires qu’on jugea les plus propres à se bien acquitter d’une commission si délicate et leurs perquisitions n’ont point esté inutiles. M. l’Abbé Sevin avoit envoyé à peu près dans le même temps deux Grecs en différents cantons où les François n’ont aucun commerce et c’est aux soins des uns et des autres que nous sommes redevables de plusieurs manuscrits très-anciens : tels sont des Commentaires sur les Évangiles inconnus jusqu’à présent, des Scholies sur les Psaumes, pleins de fragments d’auteurs qui se subsistent plus aujourd’huy, l’Histoire Lausiaque de Palladius, les Discours ascétiques d’Isaac Évêque de Ninive, ceux de St. Macaire, les ouvrages de St. Ephrem, l’Histoire de la guerre des Juifs par Josephe, celle d’Alexandre par Arrien, un gros recueil de plus de trente morceaux d’écrivains divers : sans parler d’un grand nombre d’autres volumes qui ne leur sont point inférieurs. Le dessein de l’auteur de cette Relation n’estant pas de donner un Catalogue suivi de tant de volumes, il passe aux manuscrits Arméniens acquis…

(2) Lettre de Sevin à Maurepas (H. Omont, Missions archéologiques françaises en Orient aux XVIIe et XVIIIe siècles, t. I, Paris, 1902, p. 488-489)

Constantinople, 27 juillet 1729

[...] Il s’en faut beaucoup que la fortune nous ait aussi bien secondés sur le chapitre des manuscrits grecs […] Icy je me suis tourné de tous les côtés pour faire des acquisitions, qui, malgré bien des soins, se réduisent à neuf manuscrits grecs, que j’ay découverts dans un monastère des Isles des Princes ; parmy ces manucsrits il y en a quatre de très bons. Le plus curieux de tous est le roman de Josaphat et de Barlaam, qui n’a guères moins de six cens ans d’ancienneté ; chaque page est ornée de miniatures, qui, si l’on fait attention au tems, peuvent passer pour magnifiques. C’est en ce genre que j’ay vû de plus beau ; on en demandoit 300 piastres ; cependant à force d’expédients nous avons trouvé le secret d’avoir et celuy là et les huit autres à 88 piastres.Que si je n’ay pas poussé mes achats plus loin, ce n’est pas manque qu’il me soit tombé plusieurs manuscrits entre les mains je ne les compte plus par raport au grand nombre, mais s’il s’en rencontre bien peu qui méritent quelque attention, et ceux là on les porte à un prix excessif…

(3) Lettre de Sevin à Maurepas (H. Omont, Missions archéologiques françaises en Orient aux XVIIe et XVIIIe siècles, t. I, Paris, 1902, p. 497, 505)

Constantinople, 18 septembre 1729

Monseigneur, les marques de bonté qu’il vous a plu de me donner dans votre lettre du 9 juillet exciteroient dans un homme, qui vous serait moins attaché que je ne le suis, les sentiments de la plus vive reconnoissance. Le moyen le plus sûr de vous la témoigner, si je ne me trompe, est de travailler sans interruption à faire réussir les projets dont vous avés eu la bonté de me confier l’exécution. Il ne vous sera pas malaisé de juger de mon attention à remplir vos vues, par le compte que je m’en vais continuer à vous rendre de nos opérations. Le grec, comme de raison, marchera le premier ; c’est la partie qui véritablement me tient le plus au cœur, et dans laquelle je souhaiterois avec passion de pouvoir faire des découvertes importantes.malgré nombre de tentatives, je ne suis encore que médiocrement avancé, et il semble que la fortune prenne plaisir à renverser tous mes arrangements. […]

Dans le même temps à peu près, j’avois envoyé un homme sûr dans les couvents de l’isle de Marmara, ainsi que dans ceux des montagnes de Nicée, et cela sur les relations favorables qui m’en avoient été faites à différentes reprises. En effet, il a trouvé beaucoup de manuscrits ; dans celuy de la Panaia, par exemple, il en a vû 300, dont 24 étoient des Nouveaux Testaments, et les autres ne valoient pas la peine d’être achetés.