Lafitte-Clavé, André-Joseph (1783)

Date inventaire : 
1783

27 mai 1783

Né à Clavé (Lot-et-Garonne) en 1740, André-Joseph Lafitte-Clavé entre dans le corps royal du génie et devient inspecteur général des fortifications de France. Il fait partie de la grande mission scientifique et technique envoyée à Constantinople sous l’ambassade de Marie-Gabriel-Florent-Auguste de Choiseul-Gouffier, ambassadeur de France auprès de la Porte à partir de 1793, dans le cadre du renouveau de l’intérêt de la France pour l’Empire ottoman, en particulier pour ce qui concerne la modernisation de l’armée de celui-ci.

Lafitte-Clavé arrive à Constantinople le 16 mars 1784 à la tête d’une mission, chargé de seconder Antoine Chabaud, officier du génie déjà présent dans la capitale, entouré lui aussi d’une équipe d’experts, tandis que d’autres officiers français se joignent à eux au cours de cette même année. Dans ce cadre, Lafitte-Clavé participe à l’organisation d’une école de fortifications, de mathématiques appliquées et de topographie, qui deviendra l’école d’ingénieurs de l’armée ottomane. En 1788 il est rappelé en France où il continue sa carrière dans l’armée. Il meurt en 1793.

Texte français: Dimitris Anoyatis-Pelé (éd.), André-Joseph Lafitte-Clavé, Journal d’un officier français à Constantinople en 1784-1788, University Studio Press, Thessalonique, 2004, p. 243-245.

Voyage de Brousse. isle de Kalki ou Halki. Isle Proty. Écueils ou isles Oxia et Plati. Isle Antigoni. Isle des Princes.

Le 27 Mai [1783]. […]

            Nous sommes partis de Pera […] pour  nous rendre à Brousse. Nous nous sommes embarqués après midi sur un grand Batteau à 4 paires de rames de l’isle des princes et nous sommes arrivés à l’isle de Kalki par un vent de Nord frais en 7 quarts d’heure. Après avoir fait le tour de cette isle […], nous avons été à la Grande isle des Princes où nous avons couché. […]

            L’isle de Kalki qui est une des isles apellées "isles des Princes" est située entre celle nommée Antigoni et la grande isle des Princes. Elle a environ 1 000 toises du Nord au Sud, sur 4 à 500 de largeur ; et un seul village situé à l’Est de cette isle et composé de cent à 150 maisons généralement habitées par des Grecs. C’est dans ce village que l’on débarque et il y a une petite jettée en pierres sèches pour garantir ses Batteaux des coups de mer. Les Grecs de Pera et de Constantinople, vont ordinairement passer une partie de l’été dans cette isle où l’on dit que l’air est fort bon. Il y a trois Monastères Grecs, l’un au Sud du village et à environ 300 toises où l’on arrive par une allée de Cyprès, se nomme Aïo Nicola ou Saint Nicolas, un autre au Nord et à près de 300 toises à l’Ouest du village, situé sur une hauteur en pain de sucre, nommé la Sainte Trinité. Son Église est jolie et fort dorée. On nous a fait voir un fort mauvais tableau qu’on dit avoir été tiré anciennement de Ste Sophie de Constantinople. Il y a dans ce monastère qui est assez considérable plusieurs chambres ou apartemens qu’on loue aux étrangers qui vont prendre l’air dans cette isle. Il y a un Kiosk en dehors du Monastère et qui en est dépendant où nous avons vû des Turcs qui sans doute étoient venus s’y promener : car aucun Turc n’habite cette isle ni les autres voisines. Le 3Monastère est celui de la Panaya ou de la Vierge, situé au Sud du précédent au-delà d’une haute montagne et auprès duquel on croit voir des vestiges d’une mine de cuivre qui a été exploitée autrefois. Ce Monastère a l’air misérable. La mine est à l’Est de ce Monastère près d’un petit golfe que la mer forme sur cette côte. L’isle de Kalki est fort montagneuse de même que toutes les autres. Elle est cultivée çà et là en vignes, jardins et quelques champs ; mais une grande partie du terrein, surtout sur les hauteurs, est inculte et garnie de Genêts, d’arbousiers, de quelques oliviers et d’un bois de Pins entre le Monastère de la Trinité et celui de la Panaya. Il y a une espèce de Tour ruinée sur la grande hauteur ou montagne qui est au milieu de l’isle. Je crois que c’étoit autrefois un moulin à vent.

            L’isle Proti est la première de ces isles des Princes en y allant de Constantinople ; je n’y ai vû en passant qu’un Monastère Grec sur la hauteur. Elle est fort peu cultivée ; à l’Ouest de cette isle, il y a deux rochers ou écueils assez élevés au-dessus de la mer, dont le premier vers Constantinople se nomme isle Auxia et le second isle Plati. Après l’isle Proti vient celle nommée Antigoni qui est la 2e. J’y ai vû un village presqu’aussi considérable que celui de Kalki, situé au Nord-Est de l’isle, et précédé par une petite isle qui couvre son petit Port. Cette isle est plus grande que celle de Proti ; mais plus petite que celle de Kalky et moins bien cultivée. La 4e isle qui est la plus grande se nomme isle des Princes : elle a un beau village situé au Nord de l’isle et dont les environs sont bien cultivés en jardins, vignes et champs : ses hauteurs sont boisées en quelques endroits. On dit qu’il y a des mines de fer dans cette isle. Toutes ces isles sont fort montagneuses, ont la côte acore dans la plus grande partie de leur pourtour, et ce n’est que dans les parties où les eaux ont leur pente naturelle qu’il s’est formé des plages et plaines où sont les villages. Le terrein en est léger et pierreux en plusieurs endroits ; il seroit cependant facile d’y établir une bonne culture. Elles sont séparées par des canaux de 100, 200 et 300 toises de largeur.