Gédoyn, Louis (1624)
Entre 1605 et 1609
puis 8-9 juin 1624
Issu d’une famille noble (son grand-père fut ministre sous Louis XII et François Ier), Louis Gédoyn (ou Gédouyn), que ses contemporains appelaient Gédoyn le Turc, fait un premier séjour à Constantinople de 1605 à 1609, en tant que membre de l’ambassade d’Henri IV auprès de la Porte, conduite par Jean de Gontaut-Biron, baron de Salignac.
Nommé consul de France à Alep en 1623, il arrive de nouveau dans la capitale de l’Empire le 12 mars 1624, sous l’ambassade de Philippe de Harlay, comte de Césy, et s’embarque pour Alep le 6 juillet de cette même année.
Il rentre à Paris en 1626 et devient introducteur des ambassadeurs étrangers près le duc d’Orléans. En 1628 il reçoit une mission qui consiste à lever un nouvel impôt de 3% sur toutes les marchandises qui sortiraient des échelles françaises au Levant. Il meurt en route d’une « fièvre continue » le 17 mai 1629, à Corfou.
Les documents en sa possession au moment de sa mort sont recueillis par l’ambassadeur de France à Venise. Parmi ces écrits se trouve le journal que Gédoyn a tenu depuis son départ de Paris jusqu’à son arrivée à son poste à Alep et durant les premiers mois de sa résidence dans cette ville. En 1909, ce document fait l’objet d’une publication avec la correspondance de Gédoyn, d’après les manuscrits 15643 et 16161 du fonds français de la Bibliothèque nationale de France. Dans ces lettres, Gédoyn entretient ses amis de ses impressions et parle aussi de manuscrits qu’il a pu voir ou acquérir dans l’Empire pour ses commanditaires, en notant même que les livres y sont rares et chers du fait « qu’ils s’écrivent à la main ». Il a visité la bibliothèque patriarcale, sous le pontificat du patriarche Cyrille Loucaris, et celles des monastères des Îles des Princes dont il se dit très déçu, sans doute parce qu’il était intéressé essentiellement par des ouvrages de contenu scientifique qu’il n’a pas pu y trouver.
À M. de Machaud. [Conseiller du Roi]
Constantinople, 23 juin 1624.
Monsieur,
Mes précédentes vous ont témoigné que j’ai rendu le soin que je devais à votre recommandation, et suis bien content de vous en éclairer davantage sur mon partement de Constantinople. J’ai vu la meilleure part des livres de ce pays où rien ne répond à votre attente, et trouve un seul homme dans cette grande ville qui connaisse Euclide par son nom, duquel il se sert assez bien, mais il n’a rien qui ne soit largement connu chez nous. J’ai fait feuilleter la bibliothèque du Patriarche, homme docte et curieux, laquelle est du tout sans mathématiques. J’ai passé jusques aux Isles Rousses où les Caloyers de quatre à cinq monastères m’ont mis à discrétion pour faire ma quête dans leurs livres ; j’ai fait interroger les Cadis et autres savants Turcs, sans effet ; j’ai même employé l’aumonier de cette maison parmi les prêtres grecs et par la pratique d’un médecin juif plein de réputation, j’ai eu réponse de tous les Rabins sans aucune satisfaction. Croyez-moi, Monsieur, que la Grèce est aujourd’hui dans une ignorance si profonde et les esprits tellement faibles et bas, que je les tiens indignes du nom d’hommes ; les seuls arabes ont quelque reste de leur première vertu, et j’espère de trouver en Alep, ou bien en Égypte (par l’entremise d’un Consul), la meilleure partie de ce que vous demandez ; je fais état de partir d’ici mardi prochain pour Alep.